Avoir un enfant : une question qui émerge à l’aube d’un éventuel cataclysme écocidaire.
Avoir des enfants est plus qu’un choix de vie, c’est le choix de vie(s). En faisant des enfants, on décide de donner la vie à un être qui n’aurait pas vu le jour sinon (ou bien sous d’autres formes selon nos croyances).
Donner la vie n’a jamais été un choix anodin et il l’est encore moins aujourd’hui tant le pressentiment des catastrophes à venir se fait de plus en plus sentir. Mais pourquoi avoir des enfants ? Tâchons de répondre à cette question avant d’aller plus loin dans notre raisonnement.
Pourquoi avoir un enfant ?
Nous sommes nés pour mourir et dans l’espace de temps qui sépare notre naissance de notre mort, nous avons l’opportunité de perpétuer notre patrimoine génétique et notre culture (cf. article). C’est ce qui fait tout le vivant, que ce soit les plantes, les animaux ou les bactéries. Dans une logique purement naturelle, nous aspirons tous à la procréation, c’est une force qui nous anime tous, à laquelle on ne peut pas échapper.
Au-delà de la nature, l’homme est un être de culture. Il ne fait pas, dans la plupart des cas, d’enfants comme une poule pond des œufs (sauf au stade physiologique). Il existe des motivations bien plus profondes qui en général correspondent à tous les échelons de la pyramide de Maslow. Voyons ensemble à quels besoins ou désirs peut répondre le fait d’avoir un enfant.
1er niveau : le besoin physiologique.
Avoir un enfant est la conséquence d’un besoin physiologique qu’est l’acte sexuel. Alors, il existe certaines situations où l’enfant n’est pas voulu et il naît d’une conséquence de la force de la nature et a fortiori irresponsable.
2ème niveau : la sécurité
Un enfant qui naît s’intègre dans un groupe familial qui repose sur une certaine réciprocité tacite ou explicite. L’enfant deviendra grand et il pourra aider ses parents vieillissant à un âge où eux ne seront plus en mesure de subvenir eux-mêmes à leurs besoins. L’enfant, dans les sociétés traditionnelles et même modernes, joue ce rôle de sécurité sans que celui-ci ne l’ait voulu. À ce titre, il y a un proverbe chinois qui dit “les enfants sont de la richesse vivante”. La progéniture n’est qu’une assurance contre les aléas de la vieillesse, en outre elle constitue une force de travail qui peut être employée dans les travaux familiaux. Ceci est particulièrement vrai dans les sociétés agricoles et tend à disparaître avec la démocratisation de l’école publique. Il n’empêche que l’enfant qui étudie pourra aider ses parents par la suite s’il obtient un meilleur travail. Les études conduisent en sorte à une gratification reportée : l’enfant qui ne produit pas jeune, produira plus vieux mais il produira plus (en gagnant plus d’argent dont il renversera une partie à ses parents sous diverses formes).
3ème niveau : le besoin d’appartenance.
Si les deux premiers niveaux sont aujourd’hui tabous car honteux, on peut dire que le besoin d’affection qui découle du sentiment d’appartenance ne constitue pas une motivation cachée. Les gens admettent ouvertement ou par leur attitude que leur enfant est une source d’affection réciproque qui n’a pas de véritable équivalent : l’amour d’un père, d’une mère ou d’un enfant égale rarement l’amour qu’on pourrait trouver ailleurs (du moins dans la durée). Le sentiment d’appartenance est une motivation forte. L’humain est ainsi fait, il n’aime pas rester seul. Avoir un enfant lui permet d’être chef d’une tribu dont il pourra dicter les règles. A-t-on beaucoup d’occasions dans la vie d’être le chef de quelque chose ? Je ne crois pas. Cette question est directement liée au prochain besoin.
4ème niveau : le besoin d’estime.
Avoir des enfants vous permet d’avoir l’impression d’un aboutissement dans la vie. C’est une source de satisfaction qui va au-delà de la promotion professionnelle ou le fait de gagner beaucoup d’argent. Être parent vous permet plus facilement de continuer à être ami avec des gens qui sont devenus parents. Être parent dans de nombreuses sociétés est un élément d’appréciation sociale et de respectabilité. Beaucoup sont donc soumis à de fortes pressions de leur entourage. En ayant un enfant, on crée instantanément 2 types d’estimes : l’estime sociale et l’estime de l’enfant que l’on a conçu (et a fortiori celle de son conjoint). L’estime est une motivation forte, elle n’est donc pas altruiste.
5ème niveau : le besoin d’accomplissement.
Donner du sens à sa vie. Façonner un être à son image pour changer le monde. Voilà des exemples sous-jacents à la conception d’un enfant qui s’expriment à ce niveau. Le besoin est élevé, il n’en reste pas moins égoïste. Le désir d’accomplir un devoir religieux ou d’incorporer la procréation à un chemin spirituel sont aussi des motivations fréquentes à ce niveau-là.
Avoir un enfant n’est pas altruiste
Pour toutes ces raisons, avoir n’est pas un acte altruiste. Cela provient avant tout de fortes motivations égotiques. On fait un enfant pour soi, l’enfant n’a pas demander à naître. Alors bien sûr, la conception initiale de l’enfant est une intention égoïste mais on peut tout à fait se comporter de manière altruiste et dévouée après sa naissance. L’un n’empêche pas l’autre. C’est comme si on vous proposait d’aller dîner et que vous acceptiez par courtoisie alors que vous n’en avez pas du tout envie. Une fois sur place, vous passez un très bon moment et vous oubliez votre envie initiale. Il en est de même, je crois pour les enfants : on les conçoit de manière égoïste et devient altruiste en les ayant.
La modernité fait voler en éclat une à une les motivations d’avoir un enfant
La modernité rend de moins en moins évidentes les motivations qui apparaissaient pour beaucoup comme vitales. Dans des États prospères (et quelque peu socialistes) qui ont institutionnalisé la solidarité, le filet de sécurité que représentaient la famille n’est plus aussi attrayant puisqu’il donne lieu à des obligations plus contraignantes (se plier à des règles familiales intrusives qui organisent le mariage ou d’autres interactions sociales). Le niveau de la pyramide de Maslow est de plus en plus remis en question. Il n’est aujourd’hui pas toujours bien vu d’avoir de nombreux enfants. On peut essuyer des regards réprobateurs ou des remarques déplacées. Le futur s’assombrissant à mesure que les catastrophes naturelles se multiplient, on comprend qu’il y en ait certains qui voient dans la famille nombreuse une menace pour les écosystèmes. L’humain étant la principale cause du changement climatique, il est donc raisonnable de penser qu’avoir moins d’enfants équivaut à avoir moins de problèmes.
Il y a aussi dans cette prise de position un masque plus subtile : les personnes qui s’adonnent à une vie hédoniste (pas vraiment compatible avec le fait d’avoir des enfants) se parent du masque de respectabilité en évoquant le changement climatique.
On ne peut pas forcer les gens à arrêter d’avoir des enfants ou au contraire en avoir davantage. Il se trouve qu’aujourd’hui ne pas avoir d’enfants est socialement beaucoup plus accepté. Ce n’est pas à moi de vous dire ce que vous devez faire. C’est un choix personnel enfin de couple. L’incertitude a toujours été une constante de l’histoire, avoir un enfant au début XXIème n’est plus inquiétant selon moi que de l’avoir fait au début du XXème (précédant deux guerres mondiales) siècle ou au début du XIXème (à l’époque de l’impérialisme mondialisé et de toutes les guerres qu’il engendra). Chaque siècle apporte son lot de défis.