Plaidoyer pour le bonheur ou apprendre à être heureux selon la voie bouddhiste.
Nous vivons dans un monde qui semble-t-il, est bien plus confortable qu’il ne l’a jamais été. Pourtant, malgré ce constat, on découvre qu’il y a toujours autant de gens malheureux voire même plus qu’avant. Comment élucider cette énigme ? Matthieu Ricard nous donne un élément de réponse et bien plus que ça, il nous montre la voie bouddhiste du bonheur.
Qui est Matthieu Ricard ? C’est un moine bouddhiste français qui vit au Tibet. Il est le traducteur officiel du Dalaï-lama en français.
Si on peut dire une chose sur le bouddhisme, c’est que c’est une sorte de science du bonheur. L’objet même du bouddhisme c’est l’accession à l’éveil, qui est le plus haut niveau de conscience humaine. C’est un synonyme du bonheur puisqu’il s’agit d’un état libéré de tous les troubles et ainsi proche du terme grec “ataraxie”.
Ne pas confondre plaisir et bonheur
Le confort dont nous jouissons tous rend accessible mille et une formes de plaisirs. Le plaisir se définit comme étant la satisfaction éphémère d’un besoin ou d’une envie. Il procède généralement d’une relation avec l’extériorité et les sens. À l’inverse, le bonheur se définit comme un état de plénitude qui n’est pas lié à ce qui se trouve en dehors de nous. C’est avant tout un état qui repose sur notre relation avec notre monde intérieur.
La souffrance est inévitable
Étant une entité organique, l’humain s’expose aux affres de la vie que sont le vieillissement et puis finalement la mort. C’est peut-être même ce qui définit le vivant par rapport au non-vivant (le monde minéral par exemple), c’est qu’il y a un changement qui tend progressivement vers la mort. À quoi bon dès lors résister à cette marche inéluctable ? Ce qui peut être évité par contre, c’est notre réaction et nos attachements face à ce qui apparaît comme étant non-permanent. Il est bien plus judicieux de faire reposer notre bonheur sur quelque chose de permanent (comme sur des valeurs morales) plutôt que sur des choses changeantes et qui nous échappent (beauté, renommée etc.)
Plaidoyer pour le bonheur : la douleur est une construction de notre esprit
Puisque la souffrance est inévitable, il faut changer notre rapport à elle. Cela passe avant tout par l’acquisition d’un état de bien-être sans attachement, le nirāmisa sukha par opposition au bien-être lié au plaisir des sens, le sāmisa sukha.
Il faut donc réapprendre à “recâbler” notre cerveau de telle sorte qu’il expérimente un bien-être profond qui procède avant tout de la méditation et de pratiques spirituelles prodiguées par le bouddhisme. La méditation renforce le dhyāna qui est l’état de méditation et de contemplation. Avoir travaillé votre esprit par la méditation vous rend moins vulnérable aux fluctuations de l’existence.
Joie et bonheur
L’état méditatif une fois enclenché dans votre quotidien, vous serez en mesure d’expérimenter bien plus souvent la joie qui est l’émanation du bonheur. En effet, la joie est comme la chaleur que nous offre une bougie. La flamme est votre état méditatif rendu possible par l’allumette qui embrase la mèche de la bougie qui est votre pratique méditative. La seule recherche consciente que vous puissiez avoir doit être dirigée vers le fait d’allumer la mèche, le reste n’est qu’une conséquence de cette action initiale. La vraie joie est profonde et incontrôlée en quelque sorte, dans la mesure où elle émane de vous.
Le piège de l’ego
Vous n’êtes pas votre travail, ni votre corps, ni votre nationalité. Ça, c’est votre emballage. Vous êtes “ce qui vibre à l’intérieur”. Laissez tomber tous ces voiles pour partir à la recherche de votre véritable nature. Qui êtes-vous vraiment ? C’est à cette question que vous devrez répondre une fois que vous aurez perdu votre travail, votre beauté (par la vieillesse) votre corps (par la mort), vos possessions (par la mort également) etc. Allez à l’essentiel. Pensez-vous au-delà de ces masques.
À ce titre, le Bouddha – l’éveillé – est l’exemple même de cette idée. En effet, plus vous débarrassez des voiles de votre ego, plus vous serez en mesure de renouer avec sa nature, l’état de bouddha.
Plaidoyer pour le bonheur : cultiver de bonnes émotions
Il y a des émotions toxiques et bénéfiques. Les émotions toxiques augmentent votre douleur. Les émotions bénéfiques accroissent votre plénitude et votre sentiment de sérénité. Les émotions toxiques sont les conséquences de votre état psychique, il faut les considérer comme des indicateurs. Pour les combattre, il faut les éliminer à la racine par la méditation notamment. Quelles sont-elles ? Il s’agit de la colère, de la haine, de l’avidité (ou toute autre manifestation excessive du désir) etc. À l’inverse, la joie, la bienveillance, la générosité etc. sont des émanations d’un état psychique sain et heureux.
Par ailleurs, la compassion est un sentiment qui développe votre sensibilité. Elle constitue l’un des piliers du bouddhisme.
Un principe de base
Plaidoyer pour le bonheur nous enseigne qu’une émotion toxique chasse une émotion bénéfique et inversement. Vous ne pouvez pas être à la fois haineux et compatissant. C’est pourquoi il est nécessaire de se focaliser sur le développement des émotions bénéfiques : les émotions toxiques partiront d’elles-mêmes.
La méditation est une familiarisation
Selon l’étymologie tibétaine du mot, la méditation est en fait une manière de se familiariser avec un point de vue distinct et plus élevé sur le monde. C’est ainsi que font les moines, ils mettent en pratique les enseignement du Bouddha en adoptant une vie qui est proche de la sienne.
Le vrai bonheur est altruiste
Un bonheur égoïste n’existe pas véritablement. Vous ne serez heureux que si vous cherchez le bonheur des autres.
Aller à l’essentiel
L’une des clés du bonheur est de savoir distinguer ce qui est essentiel de ce qui est accessoire. Remettez toujours en question vos acquis et vos certitudes. Essayez d’aller à l’essentiel et débarrassez-vous de ce qui apporte confusion, gêne ou malheur.
Vous allez mourir mais vous êtes en vie
Plaidoyer pour le bonheur rappelle que la base de la sagesse bouddhiste est de se rappeler l’existence de la mort, ce qui implique de faire des choix en tant que personne vivante. C’est par la négation ou l’oubli de la mort qu’on finit par mener une existence absurde. Faire les bons choix consiste à les mettre en perspective avec notre issue funeste qu’est la mort.
Note personnelle :
Les différents visages des bouddhistes à travers le monde
Vous n’êtes pas censé ignorer la variété du bouddhisme qui a pris des formes diverses en fonction des régions où il s’est implanté. Par exemple, il existe des différences culturelles et cultuelles importantes entre les bouddhismes tibétain (1) et zen. Néanmoins ils se rejoignent sur des éléments centraux comme la pratique de la méditation. Ce faisant, ils appartiennent à un même courant de spiritualité. Le Dharma constitue les enseignements du Bouddha, il n’est pas interprété de la même manière partout. En outre, la figure bouddhique reste un élément marquant chez la majorité des pratiquants où qu’ils se trouvent dans le monde. Par ailleurs, le karma n’est pas toujours considéré comme une concept central selon qu’on se trouve en Asie du Sud-Est, en Extrême-Orient ou en Occident (2), région dans laquelle le bouddhisme connaît un engouement certain.
(1) À noter que chaque Tibétain ne vit pas que pour le bouddhisme néanmoins la religion est un élément social important qui a contribué à maintenir un ordre féodal où la figure du rinpoché est dominante.
(2) Il n’y a que très peu de gens qui envisagent de devenir disciplines de l’un des courants du bouddhisme dans cette zone géographique (Bodhisattva, Vajrayana, Mahayana, etc.). La vie en monastère est dure, ce qui explique que peu d’Occidentaux l’envisagent sérieusement. Matthieu Ricard, à cet égard, passe pour une exception.
Quelques rappels de concepts bouddhistes et des symboles :
Le nirvana : extinction du désir humain, état de béatitude extrême, de libération du samsara.
Le samsara: monde illusoire caractérisé par l’attachement et la dépendance, par opposition au nirvana.
Le sutra: traité, florilège, recueil de la littérature sanskrite.
Le lotus : il symbolise la pureté du corps et de l’esprit.
Sangha : communauté de moines et de laïcs vivant selon les principes d’un maître.
Mandala : représentation symbolique de l’univers qui sert de support à la méditation.
L’illumination : état d’éveil spirituel, c’est-à-dire la connaissance directe de la réalité telle qu’elle est.