Il existe un nombre incalculable de raisons pour lesquelles les gens viendraient à se tatouer. Revenons tout d’abord à ses origines. Le tatouage tire son nom d’un mot polynésien « tatau » [en marquisien tatu « marquage de la peau » ou au tahitien ta tau, de “ta” « inciser »]. Il est à l’origine la marque d’un statut social et à une signification précise (prouesse réalisée dans un combat, rang par rapport au concept de mana, lignée familiale ou encore métier). Si le tatouage a existé aux quatre coins du monde, il n’a été conservé comme pratique que dans certaines parties du monde au XIXe, époque des explorations et colonisations européennes, d’où une certaine fascination qui s’en dégage : à la fois source de crainte et de mépris de la part des Occidentaux (qui l’assimile à de la sauvagerie tout en redoutant ceux qui les portent). Le tatouage sera d’ailleurs interdit dans un effort de « civilisation ».
Pourquoi un engouement actuel ?
Si le tatouage est aujourd’hui populaire, c’est de nombreuses barrières sont tombées. Autrefois, il était associé à la pègre et aux personnes de mauvaise vie. L’hygiène n’était pas non plus garantie alors un risque réel existait. Le tatouage s’est massifié récemment du fait qu’il soit inconsciemment associé à un monde dur et rebelle. Le tatouage restant un marqueur visible d’anticonformisme à l’heure même où il devient presque la norme pour certaines classes d’âge. Les problèmes sanitaires ont été effacés et il permet de donner aux gens une image ténébreuse à moindre coût.
Acheter une « street credibility »
Comme dit plus haut, le tatouage est et un apparat honorifique, le fruit d’un exploit, d’un mérite, un peu comme une médaille. Il est d’ailleurs toujours assimilé comme tel dans des gangs qu’ils soient sud-américains ou russes. Chaque tatouage d’un narco trafiquant a été gagné souvent au prix de la sueur et hélas aussi du sang et des larmes. Alors, sa massification fait perdre l’aspect honorifique ou ténébreux qu’il revêtait.
La surface pour éviter de travailler le fond
Qu’est-ce qui est plus facile ? Acheter un drapeau ou apprendre la culture et la langue d’une nation pour exprimer son nationalisme ? Bien sûr, l’acte d’achat est toujours plus simple. La massification du tatouage est simplement symptomatique d’une marchandisation qui ne dit pas son nom, de même que la vente de maillots de foot nationaux peut cacher l’ignorance des gens de leur histoire, langue et culture. Le tatouage est censé être la médaille du courage et de la rébellion, non pas sa substitution. Or aujourd’hui les gens veulent des raccourcis : ne pas endurer les efforts, la souffrance et les luttes d’une transformation. Ils pensent qu’en achetant un tatouage, ils pourront directement arriver à ce changement. Rien n’est moins vrai, cela ne servira qu’à décrédibiliser ce mode d’expression dermique. Commercialiser le sacré ou le prestige (ex : permettre aux bourgeois de s’habiller comme des nobles ou acheter les faveurs de Dieu via les indulgences etc.) ne conduit à terme qu’à sa propre destruction.