Vous avez une responsabilité. Vous êtes le digne représentant de toutes les composantes de votre identité. Vous êtes l’ambassadeur de votre nation, de votre religion, de votre sexe, de vos orientations politiques etc. Quand vous parlez ou agissez, le monde vous regarde, vous scrute et finalement vous juge. Même si l’on ne doit pas bâtir sa vie en fonction du regard des autres, il est bien d’avoir conscience que nous ne sommes pas des individus détachés de toute appartenance. Nous sommes responsables de l’image que nous renvoyons aux autres et a fortiori de l’image associée aux diverses identités auxquelles nous nous rattachons.
Pourquoi la conscience identitaire s’impose-t-elle à nous ?
Une société est réglée par une pression sociale qui nous encourage à faire le bien plutôt que le mal. On pourrait nuancer en disant que le bien consiste à faire quelque chose qui a un intérêt pour la société et ce n’est donc pas nécessairement un bien de manière absolue. Les conséquences d’avoir mal agi peuvent se répercuter sur les groupes auxquels nous appartenons notamment par la mauvaise réputation que l’on crée. Essentiellement, les identités fonctionnent comme des poupées russes : chacune d’entre elles est imbriquée dans une autre. Il existe des identités plus fortes que d’autres. En général plus le groupe est grand, moins la proximité avec l’identité correspondante sera grande (ex : le fait d’appartenir au genre humain est sans doute une identité moins forte que d’appartenir à une nation).
La famille : le noyau dur
En venant au monde sur cette terre, nous avons hérité un certain nombre d’avantages que nous conférait l’appartenance à un groupe. La famille en a constitué l’un des tout premiers. Par vos actions, vous contribuez à faire croître ou diminuer le capital de prestige associé à votre nom de famille. Vous avez reçu une protection de votre entourage à la naissance, il vous faut en retour honorer le blason familial en vous comportant de manière respectable voire noble ou flamboyante. Nous ne sommes pas neutres, nous portons avec nous un bagage génétique, culturel et symbolique. Négliger cela nous rend finalement irresponsable et nous pouvons nous adonner à toutes sortes de conduites immorales tant nous nous sentons détachés du groupe auquel nous appartenons.
Le clan
Le clan est ce qu’on pourrait appeler la famille étendue, c’est-à-dire la jonction entre la famille et les cousins, tantes, oncles, amis proches, famille par alliance etc. Si dans certaines sociétés, il n’y a pas vraiment de différences entre la famille et le clan, aujourd’hui, les sociétés “modernes” marquent véritablement une différence.
La tribu
Le sentiment tribal reste vivace en nous, c’est sans doute parce qu’il a été le fer de lance de la survie humaine et ce depuis des temps immémoriaux, bien avant l’avènement de la sédentarisation et l’émergence consécutives des villes. La tribu nous a protégés contre l’hostilité du monde sauvage et des autres groupes humains. Aujourd’hui, la tribu existe toujours mais elle ne joue pas tout à fait le même rôle. Elle est plutôt là pour assouvir un besoin d’appartenance plutôt que pour garantir notre protection qui est garantie par l’État de droit des nations contemporaines.
La nation
La nation est un concept somme toute récent. Il est le regroupement de tribus dont les liens ont été détruits pour créer une structure sociale reposant sur l’efficacité (par la spécialisation des tâches) et la hiérarchisation des individus afin de concentrer le pouvoir entre les mains d’un petit groupe régnant.
La communauté religieuse
La chrétienté, l’oumma, etc. constituent des ensembles plus ou moins disparates censés réunir les individus par leur appartenance religieuse. Cette identité est relativement fragile comme l’illustrent les luttes internes ont toujours existé (schismes, guerre de succession etc.). Elle trouve néanmoins une certaine efficacité pour cristalliser une opposition à différents moments de l’histoire.
L’humanité
Nous appartenons tous au genre humain et ce, en dépit de différences réelles qui sont visibles selon que l’on grandit près ou non de l’équateur. Ces variations morphologiques au sein de la race humaine sont elles-mêmes dépassées par les différences culturelles que l’on observe selon les régions. Revendiquer son appartenance au genre humain n’est pas un marqueur fort du simple fait qu’il n’existe pas aujourd’hui d’espèces suffisamment fortes pour s’opposer à nous. L’ensemble du monde animal a été soit complètement domestiqué ou presque anéanti. Une grande partie des écosystèmes sont à l’agonie et nous ne sommes pas étrangers à cela, il n’y a donc pas vraiment de quoi s’enorgueillir d’appartenir à une espèce capable de telles prouesses. Si d’aventure une civilisation extraterrestre venait à entrer en contact avec nous, il est fort probable que la prégnance de l’identité humaine refasse surface. Une identité est d’autant plus pugnace qu’elle est menacée. Reste à voir si ces éventuelles civilisations feront preuve d’une véritable clémence à notre égard, la même qui nous a fait défaut à l’égard de la faune et la flore.
L’individu : le non-groupe
Les sociétés progressistes modernes mettent l’accent sur l’importance de l’individu. Cette idée est sans doute là pour déconstruire tous les groupes auxquels nous aurions pu nous attacher et par la même occasion faire de nous des êtres indifférenciés prêts à s’agripper à la locomotive de la consommation. Quand un individu est volontairement séparé de son groupe, notamment par la culpabilisation (celle qui consiste à ne pas honorer ses ancêtres coupables de crimes honteux), il est bien plus facile de le manipuler et de faire de lui une marionnette consumériste. Le tribalisme est un levier marketing formidable. C’est celui-là même qui explique la facilité qu’a un Européen déraciné à écouter du rap et vouloir les dernières chaussures de son footballeur favori, se rapprochant ainsi d’une culture dont il est initialement foncièrement très éloigné. L’individualisme est un piège parce qu’il nous rend démunis face à la prédation de l’idéologie consumériste incarnée par les grandes marques mondialisées.
L’identité est-elle un fardeau ?
L’identité n’est un fardeau que si elle enseigne la haine de soi ou celle des autres. A priori, une identité culturelle digne de ce nom ne devrait enseigner ni l’un, ni l’autre. Une identité peut nous aider à devenir une meilleure version de nous-même. Avant de devenir qui l’on naît, il faut accepter d’emprunter le chemin parcouru par nos prédécesseurs, sans cela, on est voué à errer comme un vagabond ou un bateau à la dérive. Un homme sans identité est un homme sans visage ni direction.
L’évolution du monde va du passage des identités de naissance que vous résumez dans l’article, vers des identités construites ou de choix : passions, activités, signe distinctif x ou y… Le marketing est effectivement un moyen pour les agents économiques n’étant pas historiquement installés sur le marché des identités historique, de redécouper le paysage pour se tailler une part… Reste à savoir qui précède l’autre…