Il y a une chose commune aux métiers de notables (professions liées au droit, à la médecine, à la politique ou à l’enseignement supérieur) et à l’entreprenariat, c’est la durée nécessaire pour en acquérir les compétences. Cependant, il y a une grande différence entre les métiers de notables et celui d’entrepreneur, c’est la formalité des études. Il n’y a pas – ou très peu – à proprement d’école pour entreprendre. Il existe des écoles de commerce vous allez me dire, mais la plupart d’entre elles ont gardé l’esprit qui était le leur à leur création, c’est-à-dire former des cadres destinés à occuper des fonctions en tant qu’administrateur d’entreprise. Il existe bien entendu de plus en plus de parcours entrepreneuriaux au sein de ces écoles de commerce mais ils restent marginaux au sein de ces cursus, à de rares exceptions.
En outre, le véritable métier d’entrepreneur s’apprend au contact avec la réalité, de la même façon qu’un chirurgien apprend dans un bloc opératoire bien plus que dans un amphithéâtre. Bien souvent, le regard que porte la société à l’égard des aspirants notables est somme toute très positif : les étudiants entreprennent une carrière ambitieuse et ils se plient à la rigueur qu’imposent de longues études qui se révèlent être une véritable épreuve. À l’inverse, la voie de l’entreprenariat n’offre pas le même prestige et le plus souvent, les années d’apprentissage sont observées avec un regard acerbe de la part de l’entourage de ceux qui osent se lancer.
Il faut au moins 8 ans pour être médecin et presque autant pour être avocat. Il s’agit d’études difficiles mais on peut dire que les étudiants de telles carrières reçoivent plutôt un support favorable de leurs familles étant donné que l’issue est claire, sûre et bien considérée par la société. À ce titre, je n’ai jamais entendu une anecdote d’un parent qui ait demandé à son enfant de terminer ses études de médecine pour trouver un boulot rapidement. Ça doit exister, certainement, mais ça reste rare tout de même.
Apprendre à entreprendre est un métier qui prend du temps. Comme toute profession, le plus dur c’est souvent d’apprendre à penser comme les personnes qui composent ce corps de métier. Le problème de l’apprentissage du métier d’entrepreneur est qu’il ne possède pas le prestige des métiers de notable (à de rares exceptions, notamment dans les pays anglo-saxons) et qu’il n’y a pas un apprentissage formalisé au bout duquel se trouvent des résultats clairement définis (revenus et statut dans la société). L’entrepreneuriat se drape de mystère et surtout d’incertitude lorsqu’il se confronte à la société. Cela devient une science obscure alors qu’il est présent dans chaque métier à un degré plus ou moins élevé. Ainsi, un médecin qui se met à son compte est un entrepreneur. Il a peut-être moins besoin d’innover qu’un patron de startup, mais sa démarche fait de lui un entrepreneur à part entière.
Pourtant, comme toute discipline, l’entreprenariat produit des résultats prévisibles si on est en mesure de définir les bons indicateurs de performance. Dans les carrières traditionnelles, on peut prévoir la réussite d’un professionnel par sa capacité à exécuter un travail de qualité. Il y a un rapport de qualité et de quantité à maintenir d’une certaine façon. Par exemple, cela peut revenir à publier un certain nombre d’articles dans des revues prestigieuses pour un chercheur. Il en va de même pour ceux qui embrassent une carrière d’entrepreneur. Une différence d’importance est qu’ils doivent définir eux-mêmes leurs propres indicateurs, ils n’ont pas toujours de modèles clairs et évidents à suivre.
Il faut donc repenser le métier d’entrepreneur et voir les premières années comme faisant partie d’un apprentissage au même titre que les années d’études d’un médecin. Le tâtonnement est normal lorsqu’on débute, mais pour ne pas prendre une trajectoire défavorable, il faut se fixer des objectifs clairs en matière de production. Cela dépendra beaucoup de votre secteur bien entendu. Si vous décidez de vous lancer dans un projet ayant trait aux nouvelles technologies, il y aura des indicateurs à définir pour chaque département de votre structure. Par exemple, le marketing peut utiliser le trafic et le taux de conversion, la R&D optera pour le nombre de fonctionnalités clés disponibles, le support s’attardera sur le taux de satisfaction client etc. Bien sûr, ceci s’applique à l’univers des startup, il y a de forte chance que vous commenciez seul au départ. Dans ce cas, il est bon de définir des indicateurs qui sont propres à la compétence que vous souhaitez monétiser.
Dans bien des cas, un entrepreneur est un salarié qui souhaite travailler de manière indépendante, c’est un piège dans lequel de nombreuses personnes tombent. Penser en salarié tout en ayant le statut de travailleur indépendant est un problème répandu. Cela fait l’objet de tout un livre (The E-Myth Revisited: Why Most Small Businesses Don’t Work and What to Do About It). Apprendre à penser différemment prend du temps. Ce qui distingue la manière de penser d’un employé de celle d’un entrepreneur est avant tout le recours à des leviers de croissance. Le principal écueil de la mentalité de salarié est le perfectionnisme qui nous pousse à vouloir tout faire tout seul, ce qui pénalise grandement notre développement. La nécessité de sous-traiter ou d’automatiser certaines tâches est ce qui permet progressivement de se rapprocher de l’esprit entrepreneurial. Pour ce faire, il convient de définir un plan de sous-traitance qui se déploiera au fur et à mesure de votre développement. Il délimite votre champ d’action et vous permet de détailler la ou les compétences clés sur lesquelles vous avez le plus de valeur ajoutée.
En somme, il s’agit de définir quels sont vos points d’excellence (pas seulement ceux dans lesquels vous êtes juste bon) et créer des systèmes pour déléguer ou automatiser tout le reste progressivement.
Imaginons que vous souhaitiez vendre des produits en ligne et que vous le fassiez en ayant recours à l’écriture de pages de vente (copywriting). Au début, vous vous occupez de tout, mais petit à petit vous vous concentrez sur l’externalisation du support, vous confiez à une équipe le design de vos produits, vous sous-traitez également la maintenance du site internet etc. Au bout du compte vous réalisez que vous êtes excellent dans l’écriture de pages convaincantes, dans le recrutement et la formation de vos équipes. Ce sont donc ces trois choses (bien souvent, c’est moins de 3) sur lesquelles vous allez vous focaliser uniquement et vous allez “éliminer” tout le reste.
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Ton point de vue est très intéressant. Le droit à l erreur et à l apprentissage quand on entreprend est quand même limité par la pression financière. Il n est pas toujours facile d'entreprendre sans investir (ne serait ce que pour financer son salaire au début) et l'entourage, la famille, le conjoint (le banquier ;-)) n'ont pas toujours hérité de cette vocation à entreprendre, ils nous transmettent leurs fausses croyances et leurs peurs. Si on rajoute à cela la jeunesse, on comprend que les personnalités qui entreprennent jeunes sont presque hors normes de volonté !
Cet article remet les choses en perspectives. On a tendance à penser qu'entreprendre c'est tout faire tout seul, ce qui est faux. Même si au fond de nous, on sait très bien qu'il faut déléguer et sous-traiter, on a toujours besoin d'une personne extérieure pour nous le rappeler.